Rafle du 12 juillet 1942

Le 12 juillet 1942 a lieu la 1° rafle dans l'Yonne. Les documents administratifs conservés aux Archives départementales permettent de retracer le déroulement des arrestations de juifs.

En juillet 1942, ce sont les juifs étrangers qui sont visés. On est frappé de constater à quel point la machine administrative a fonctionné avec efficacité pour parvenir aux objectifs qui lui étaient fixés : arrêter rapidement et discrètement les juifs étrangers du département, les interner puis les transférer vers le camp de Pithiviers. Aucune chance ne leur est laissée et ce n’est pas sans émotion que l’on découvre ces documents. Le 11 juillet 1942, le préfet régional adresse un télégramme « d’instructions impératives » au préfet de l'Yonne : « Tous les Juifs de 16 à 45 ans inclus des deux sexes de nationalité polonaise, tchécoslovaque, russe, allemande et précédemment autrichienne, grecque, yougoslave, norvégienne, hollandaise, belge, luxembourgeoise et apatride devront être immédiatement arrêtés et transférés dans le camp de concentration de Pithiviers. Juifs qui, de visu sont reconnus estropiés ainsi que Juifs vivant en mariage mixte devront pas être arrêtés. Stop. Arrestations devront être commencées rigoureusement le 12 juillet courant. Stop. Elles devront être intégralement exécutées le 13 juillet à 20 heures. Stop. Juifs arrêtés devront être livrés le 15 juillet à vingt heures dernier délai camp de concentration. Stop. »

Le préfet de l'Yonne donne alors ses ordres. Il écrit au sous-préfet de Sens : « Vous trouverez ci-joint la liste des personnes qui sont à arrêter par les soins de la police municipale. M. le Commandant de gendarmerie a reçu directement la liste de celles résidant dans votre arrondissement et qui seront arrêtées par les gendarmes. (…) Les arrestations devraient commencer demain matin à la première heure (...) J'attire votre attention sur le fait que les juifs dont le conjoint est aryen ne devraient pas être arrêtés. (…) Lorsque les intéressés ne pourront fournir la preuve de leur « mariage mixte », il y aura lieu de procéder à leur arrestation, leurs cas devront être éclaircis ultérieurement. Aucun enfant n'ayant pas atteint l'âge de seize ans ne pourra suivre ses parents. Les enfants devront être confiés à des membres de leur famille acceptant de les garder. »

Le commandant de la Compagnie de gendarmerie de l'Yonne s’adresse aux gendarmeries locales des « Instructions de détail sur les modalités des arrestations à effectuer » : « Ne pas arrêter les juifs qui, de visu, sont estropiés. (…) Ne pas arrêter les juifs vivant en mariage mixte c'est à dire comportant un conjoint marié avec un aryen français. Toutefois, plusieurs cas douteux sont signalés. S'il n'est pas présenté de preuves formelles du mariage mixte, arrêter. On relâchera ensuite s'il y a lieu, après vérification(...) Les locaux abandonnés par les juifs propriétaires ou locataires arrêtés seront immédiatement fermés ; les clés retirées et remises (…) au juge de paix chargé de poser les scellés. (...) Rendre compte, par téléphone, dès l'exécution terminée. Me soumettre toute difficulté de même, par téléphone, mais faire montre de la plus grande discrétion. »

Les enfants de moins de seize ans ne sont pas déportés avec leurs parents. On autorise des voisins ou des membres de la famille à les garder à la condition que leurs parents les leur confie. On retrouve aux Archives de l'Yonne des morceaux de papier sur lesquels les parents écrivirent rapidement les quelques mots qui, pensaient-ils, allaient assurer la sécurité de leurs enfants : « Je soussigné, Joseph P. déclare confier mes enfants Léon 9 ans et Roger 5 ans à Madame T. ma propriétaire habitant 7 rue des Consuls à Auxerre, et donne décharge à l'autorité Française de toutes responsabilités à cet égard. Auxerre, le 13 juillet 1942 ».

Treize enfants sont ainsi confiés à des particuliers et six à l'Assistance publique. Peu de temps après le Préfet Régional ordonna que tous les enfants soient remis à l’Union Générale des Israélites de France. Ceux qui les avaient accueillis durent les rendre et les confier à l'Assistance publique à Auxerre qui les conduisit à Paris.

Les juifs arrêtés furent transférés à Pithiviers dans un car des « Rapides de Bourgogne » le 15 juillet 1942. Le 23 juillet l’entreprise adressait une facture de 2970 francs à la Préfecture. Le 15 juillet 1942, le préfet de l’Yonne rend compte de l’exécution parfaite de la mission : « Le nombre d'Israélites à arrêter s'élevait à 44. Les opérations commencées le 12 juillet dans la soirée étaient terminées le 13 au matin : 43 personnes ont été ainsi arrêtées ».

Un homme est en fuite et une femme arrêtée est hospitalisée à Auxerre. Les autres internés, au nombre de 42, ont été conduits dans la matinée du 15 juillet au camp de Pithiviers où les opérations de prise en compte étaient terminées à 16 h 00. J'ajoute que les enfants des familles internées ont été confiés soit à des personnes désignées par les parents et ayant accepté cette tâche, soit à l'Assistance Publique, à titre provisoire (…) Les scellés ont été apposés sur les immeubles, appartements abandonnés à la suite de ces opérations. »

Les travaux de S. Klarsfeld permettent de penser que, les juifs arrêtés avec tant de diligence par l’administration française furent acheminés à Auschwitz dans le convoi n°6 qui quitta Pithiviers le 19 juillet avec 928 personnes. Il n’y eut que 45 survivants. D’autres rafles ont lieu en octobre 1942 et février 1944.

 Sources : ADY, 1 W 161. Klarsfeld Serge, Le calendrier de la déportation des Juifs de France 1940-1944, Vesoul, édition FFDJF, 1993, 1264p.

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