Abel Minard

Abel Minard est né le 18 juillet 1896 à la Fourchotte, un hameau de Brion, au nord de Laroche-Migennes. Il est le fils d’un gendarme favorable aux idées de gauche. Abel est un élève brillant qui passe son baccalauréat au lycée de Tonnerre. Il est mobilisé dans le service intérieur pendant la guerre de 1914-18 car il a contracté la tuberculose et a séjourné longuement dans les hôpitaux. Ce n’est qu’en 1921 qu’il est vraiment guéri et peut reprendre ses études, obtenant une licence de mathématiques à la faculté de Dijon en 1923.

Il enseigne ensuite dans la Marne puis est muté en 1928 au lycée de Tonnerre où il se forge une solide réputation. Son épouse Mariette, qui est institutrice à Vézinnes, est communiste alors que lui n’est que sympathisant. Le couple baigne dans le milieu communiste et fréquente Claude Aillot, qui est passé au lycée, les époux Bailly qui animent l’association des Amis de l’URSS et le maire de Junay Charles Michecoppin avec lequel ils aiment discuter le dimanche. En décembre 1940 le préfet Bourgeois révoque Mariette Minard qui a fait la grève du 30 novembre 1938. Les Minard s’installent alors à Tonnerre. A l’hiver 1940 leur maison devient un foyer d’opposition au régime de Vichy. En 1941 le maire de Junay Charles Michecoppin demande à Abel Minard d’héberger le responsable régional René Roulot. Abel Minard accueille des réunions clandestines, cache des tracts et en a probablement diffusé.

A l’été 1941 la répression frappe les communistes de l’Yonne et retarde l’implantation du Front national. En décembre 1941 Jean-Pierre Ringenbach (« Gaston ») remplace René Roulot et est chargé de développer le Front national. Il nomme Abel Minard responsable de secteur avec une mission d’hébergement et de renseignement. Mais son action résistante ne fait que commencer. « Gaston » est arrêté le 29 janvier 1942 par les Allemands à Troyes et livre plusieurs responsables communistes de l’Yonne. Il n’était passé qu’une seule fois chez les Minard, mais le 5 mars 1942 la Gestapo et le commissaire spécial de Troyes viennent arrêter Abel Minard à son domicile, à 7h du matin. Il est conduit dans une traction chez le menuisier Liger où Claude Aillot sera arrêté aussi. Abel Minard et Claude Aillot sont dirigés sur la prison d’Auxerre, puis à Troyes pour interrogatoire. Bien que la perquisition de son domicile n’ait donné aucun résultat, Abel Minard est fusillé comme otage le 25 avril 1942 au champ de tir d’Egriselles.

Peu avant d’être fusillé, il adresse sa dernière lettre à sa femme : « Mariette Chérie, quand tu auras cette lettre ton grand ne sera plus, j’attendais ce soir ton colis et après six heures, au lieu de ta venue j’ai reçu l’annonce, je ne puis encore le croire, que je serai fusillé demain matin à six heures un quart, en représailles (…) Je ne croyais pas à une longue captivité, d’après les déclarations de Troyes, et je vais mourir demain sans avoir été jugé, fusillé comme otage (...) J’ai relu plusieurs fois les deux seules lettres que j’ai reçues de toi le 1er avril, je vais les relire encore, elles seront demain sur mon cœur...»
En 1943 le groupe des sédentaires FTP de la Fourchotte lui rendit hommage en prenant son nom, tandis qu’un collège de Tonnerre honore aujourd’hui sa mémoire.

La découverte récente d’un document d’archive éclaire d’un jour nouveau l’action de résistance d’Abel Minard. En octobre 1941, il entre dans un réseau gaulliste. Il s’agit du réseau Quand Même, dépendant du BCRA, service de la France libre à Londres. Immatriculé avec l’indicatif RQM 77 sous le pseudonyme de « Mathé », Abel Minard participe aux activités de ce réseau. Nous ne savons rien de plus précis quant à son action locale. Ce réseau avait pour mission de transmettre à Londres des renseignements concernant les lieux de stationnement des unités allemandes et leur identification, mais aussi de faciliter les évasions des prisonniers de guerre des Frontstalags encore implantés dans l’Yonne (il y en a un à Saint-Florentin et un autre à Joigny), et encore de récupérer et de ramasser des armes. Il s’agit donc d‘un réseau aux actions multiformes. Le réseau cesse son activité en décembre 1941. Abel Minard semble n’avoir jamais fait part de son adhésion à un réseau gaulliste aux résistants communistes avec lesquels il agissait aussi.

Sources : AN, 3 A G 2/44, liquidation du réseau Quand Même. ADY, 149 W, 1178 W, 149 W 22 844. Témoignage de Thérèse Froissart, fille d’Abel Minard (2002). Témoignage de Marcel Poux (1994). Loffroy Robert, Souvenirs de guerre, manuscrit inédit. Bailly Robert, Les feuilles tombèrent en avril, Montrouge, Editions Sociales, 1977, réédité en 1985, 159 pages. Bailly Robert, Si la Résistance m'était contée…, Clamecy, ANACR-Yonne, 1990, 520 pages. Mémoire du concours de la Résistance du collège Abel Minard, 1993. Dollé Christophe, Abel Minard, Bulletin annuel de la Société d’Archéologie et d’Histoire du Tonnerrois, 2002, p. 46 à 55.

Frédéric Gand

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