Le soir du 22 septembre 1943, la Feldgendarmerie investit la ferme d'Alfred Rondeau, au hameau de Hollard, à La Chapelle-sur-Oreuse. Cette ferme était un centre très actif de la Résistance sénonaise.
Agriculteur, ancien combattant de la Grande Guerre, maire du village, estimé de tous, Alfred Rondeau était membre du mouvement Ceux de la Libération mais aussi du Front national. Il hébergeait des résistants membres des FTP. Sa ferme servait aussi à entreposer des armes qui venaient du dépôt de Michery. Alfred Rondeau était ainsi au cœur de la diversité de la Résistance sénonaise. C'est dans la ferme de Rondeau que se trouvaient les membres du Groupe d'Action Immédiate des FTP. C'est de Hollard qu'ils étaient partis, ce 22 septembre 1943, pour une mission de sabotage à Sens. Mais l'affaire avait mal tourné. Surpris par un contrôle d'identité chez le coiffeur, les frères Paquet avaient dû ouvrir le feu. Trois Feldgendarmes étaient morts. Lucien Paquet avait été abattu. Toute la ville était en état de siège.
Au début de la nuit suivante, arrivant en camion, commandés par un sous-officier en tenue civile, une quinzaine de Feldgendarmes bloquent les issues et investissent la ferme. Il est 22h30. On a vendangé l'après-midi et quatorze personnes sont réunies autour de la table : A. Rondeau, sa femme, sa fille Gisèle, son fils Roger, sa nièce, six ouvriers agricoles permanents ou occasionnels, deux amis de Roger et la mère de l'un d'entre-eux. Jean Léger est redescendu au village dîner avec ses parents. Les Allemands entrent brusquement dans la grande salle de la ferme. Un jeune homme qui se cache à la ferme mais qui n’est pas un réfractaire est abattu d'une rafale au premier mouvement qu'il fait pour sortir. A. Rondeau parvient à s'enfuir par une des lucarnes de l'écurie qui, à l'arrière de la ferme, donne sur les champs et n'est pas surveillée. A travers champs, il cour en direction du hameau de La Garenne, à deux kilomètres et demi de sa ferme, sur la commune de Plessis-Saint-Jean. Il se précipite à la cabine téléphonique d'où il alerte la brigade de gendarmerie de Sergines. Il affirme aux gendarmes que sa ferme vient d’être attaquée, que des coups de feu ont été tirés, qu’il ignore quels sont les agresseurs et quels peuvent être leurs motifs. A. Rondeau n'a-t-il pas compris qu'il s'agissait d'une opération de répression allemande ? Ne s'agit-il pas plutôt de sa part, de la préparation d'un système de défense ? On peut observer que, lors de l'arrivée des Allemands à son domicile, la réaction de Léon Vernis sera aussi de téléphoner immédiatement à la police française.
Pendant ce temps, les Allemands perquisitionnent. Ils ne trouvent aucune arme car A. Rondeau les a jetées dans la mare après que son épouse, de retour de Sens, lui eut raconté ce qui s’était passé chez le coiffeur. La plus grosse partie des armes était d’ailleurs cachée dans la maison des parents de Mme Rondeau, au village. Chez Arthur Rondeau, oncle d'Alfred, cinq Allemands découvrent deux litres d'eau de vie qu'ils absorbent intégralement. Roger Berdou, ami de Roger Rondeau, témoigne : « Les Feldgendarmes nous avaient attachés, trois personnes ensemble par les poignets, et nous avaient tirés dans la cour. Ils menacèrent de nous fusiller si le patron ne revenait pas dans cinq minutes ». En réalité l'attente dura plus d'une heure sans doute. Pendant ce temps, les Allemands lancent des fusées éclairantes et mitraillent un peu au hasard les alentours.
Les gendarmes de Sergines prennent alors le chemin de la ferme, ramenant Alfred Rondeau avec eux. Ils s’approchent avec précaution, avancent dans la cour silencieuse, aperçoivent Mme Rondeau qui sanglote, lui demandent ce qui se passe, « à ce moment un coup de feu fut tiré (…) par quelqu'un dissimulé à cinq mètres environ, derrière le mur séparant la propriété d'un jardin. Immédiatement après, une rafale de plusieurs coups de feu, partant du même point fut tirée sur le gendarme B. qui avançait (...) A trois reprises des fusées furent lancées dans la direction de la cour et deux coups de feu furent tirés (...) Les ordres étaient donnés en allemand (...) Comprenant qu'il s'agissait probablement d'une méprise, (nous avons crié) « Gendarmerie française » plusieurs fois. Après un moment de flottement, l'ordre suivant nous était donné en français : « Sortez du garage, Haut les mains ». Etant sortis de la cour, nous avons été entourés par une dizaine de soldats allemands et par quatre civils armés. » Cette relation des faits dans un rapport de gendarmerie coïncide exactement avec le témoignage de Maurice Berdou qui a assisté à la scène. Alfred Rondeau est frappé à coups de pieds et de crosse, puis jeté dans le camion où se trouvent les autres personnes arrêtées. Tous sont emmenés à Sens et interrogés à l’Hôtel de Paris. Roger et Alfred Rondeau n'ont jamais révélé l'existence des dépôts d'armes de la Chapelle-sur-Oreuse, des carrières de Michery et de la maison de Bernard Furet à Michery.