24 mars 1943 : Arrestation de Cécile Lobry, responsable avec le docteur Ragot d'une filière d'évasion vers l'Espagne

Cécile Didier est née le 1er mars 1901 à Saint-Maurice-le-Vieil, dans l’Yonne. Elle est infirmière et habite à Sens, rue du Tambour d’argent. En 1940, elle participe aux soins qu’il faut apporter aux réfugiés de passage à Sens et aux victimes des bombardements. Dans des circonstances que nous n’avons pu éclaircir et dans le cadre du réseau Jean-Marie Buckmaster auquel elle affirme avoir appartenu,  elle dirige avec le docteur André Ragot de jeunes Sénonais sur le sud-ouest de la France et leur permet de passer en Espagne pour ensuite rejoindre les soldats de la France libre.

En février 1943, une vingtaine de jeunes Sénonais sont arrêtés à la frontière espagnole. En mars 1943 deux garçons doivent faire demi-tour car la filière est démantelée. Leurs amies qui les ont suivis sont emprisonnées quelques jours. Ces faits sont venus à la connaissance du sous-préfet Stéphane Leuret qui fait ouvrir une enquête. Le docteur Ragot est interrogé et relâché.

 

Cécile Lobry est arrêtée le 24 mars 1943 par la police de Sens, puis livrée aux Allemands. Accusée d'être « le chef d'une organisation destinée à faire passer, par l'Espagne, des gens à la dissidence ». Elle est écrouée à Sens le 25 mars, sous l’inculpation d’« atteinte à la sécurité du pays en temps de guerre ». Elle est hospitalisée à Sens jusqu’au 24 juin. Elle est alors transférée à Auxerre où elle est emprisonnée et interrogée par le Dr Sommer du Tribunal militaire allemand. Transférée à Paris le 9 octobre en compagnie du docteur Ragot qui a été arrêté le 2 juillet 1943, elle est détenue à Fresnes. Le 15 novembre, classée NN, elle est déportée en Allemagne, dans un wagon de voyageurs. « Nuit et brouillard » (en allemand Nacht und Nebel, ou NN) est le nom de code d’un décret  du 7 décembre 1941 signé par le maréchal Keitel. Il ordonne que toutes les personnes représentant « un danger pour la sécurité de l'armée allemande » qui n’auront pas été fusillées en France, soient déportées en Allemagne et disparaissent sans laisser de trace dans le secret absolu et qu’aucune information ne soit donnée sur leur lieu de détention ou sur leur sort. Elle y est détenue danspusieurs prisons successives, Aix-la-Chapelle (où elle reste près de dix mois), Sieburg, Cologne, Hanovre, Magdebourg, Gomern, puis le 29 décembre 1944, elle est envoyée au camp de Ravensbrück.

Cécile Lobry quitte le camp de Ravensbrück avec un convoi de la Croix-Rouge suisse, le 5 avril 1945. Ce sont les toutes premières rapatriées ; elles passent par la Suisse, puis Lyon et arrive à Sens le 14 avril 1945. Cécile Lobry publie dans les colonnes de L'Eclaireur de l'Yonne, de mai à juillet 1945, un récit de son calvaire. C’est le journal bi-hebdomadaire du mouvement Libération-Vengeance, imprimé à Sens, tiré à 5 200 exemplaires début 1945 et qui n’est guère vendu que dans le Sénonais où le mouvement est implanté. Engagé politiquement à droite, il tranche dans un univers politique très majoritairement de gauche. Les éditoriaux du docteur Bonnecaze et Les propos du Pipelet polémiquent d’ailleurs fréquemment et fortement avec les organisations communistes. M. Lobry est alors gérant du journal et trésorier de la Fédération départementale du mouvement Ceux de Libération-Vengeance. Le journal édite ensuite ce récit de déportation sous la forme d'une petite brochure d’une trentaine de pages intitulée Bagne de femmes . Si quelques allusions laissent entendre qu'elle fut résistante, Cécile Lobry ne donne pas la moindre précision sur la nature de son activité et sur les structures de son organisation. Au moment où elle écrit Stéphane Leuret comparaît devant la Cour de Justice de l’Yonne ; l’arrestation de Mme Lobry et du docteur Ragot sont les principaux chefs d’accusation. 

Sources : Archives nationales, Z6/166 dossier 2252 bis, dossier d’instruction du procès de Stéphane Leuret. ADY, 1130 W 10 (dossier Simone Duval) et 1130 W 39 (dossier Cécile Lobry). L’Eclaireur de l’Yonne, avril 1945. Drogland Joël, Histoire de la Résistance sénonaise, Auxerre, ARORY, 2ème édition 1998, 258 pages. 

Joël Drogland.

© Arory  •  Site réalisé par Thierry Roussel - Creacteurs Studio