C’est dans une atmosphère à la fois lourde et pesante que la discussion s’engage. Elle dure trois heures. Pétain est prêt à accepter une collaboration plus poussée afin de faire de la France, un partenaire indispensable de l’Allemagne. Mais il espère en retour obtenir des concessions. Il présente un long mémorandum préparé par le chef du gouvernement Darlan et ses ministres dont les principaux points portent sur l’augmentation des retours de prisonniers, la diminution des prélèvements alimentaires et l’assouplissement des conditions de franchissement de la ligne de démarcation. Goering n’accepte pas d’entrer dans une négociation qui ferait de la France un partenaire. Il veut uniquement discuter de l’aide militaire que la France pourrait apporter à l’Afrika Korps, si Rommel devait battre en retraite jusqu’à la Tunisie. Chacun restant sur ses positions, l’entrevue est un échec total. Pétain regagne Vichy par la voie ferrée en passant par Laroche-Migennes, Auxerre et Clamecy.
Cette rencontre dont le secret avait été bien gardé n’a pas provoqué de manifestation notable de la part de la population. Le préfet Daupeyroux qui prit ses fonctions peu après l’entrevue, note dans un rapport évoquant le bref séjour dans l’Yonne du maréchal Pétain : « qu’il est passé totalement inaperçu, la population n’ayant pas été avisée, et n’ayant eu connaissance de cette entretue que le lendemain, par la presse. » Le 3 décembre, le Bourguignon célèbre « l’événement » en consacrant sa une à l’entrevue « Je garderai toujours le souvenir de cette rencontre qui m’a fait infiniment plaisir » déclare le maréchal Pétain. Le numéro 3 de L'Yonne, organe du Rassemblement national, diffusé clandestinement en décembre 1941 par le Front national a évidemment un autre point de vue sur l’entrevue. Il dénonce la collaboration menée par Vichy. Les deux maréchaux s’étant déjà rencontrés à deux reprises, lors des obsèques du roi de Yougoslavie et de ceux du maréchal polonais Pilsudski, la manchette du journal indique ironiquement que « Pétain et Goering ne se voient qu’aux enterrements, à Saint-Florentin, c’était pour l’enterrement de la France ! ».
Le 4 décembre, le gouvernement de Vichy retire son mémorandum. Le texte continue à circuler à Berlin jusqu’à ce que Ribbentrop donne l’ordre de le classer et de l’oublier.
Sources : Actes du Colloque du 3 décembre 2011, « L’entrevue Pétain-Goering de Saint-Florentin-Vergigny, 1er décembre 1941 », ARORY – SAHVCB, 2013.
Thierry Roblin