« La ville toute entière respirait la crainte ; des parents vinrent nombreux chercher leurs enfants internes dans différents établissements d’enseignement ; des familles entières allèrent passer la nuit aux environs » écrit le sous-préfet. On ne doute pas que les usines seront les cibles des bombardiers. Le préfet écrit au secrétariat d’Etat à l’Intérieur que « les ouvriers de l’usine Mors craignent un bombardement et se consultent pour savoir s’ils continueront à travailler dans cet établissement ». Il en va de même pour les 150 ouvrières de l’usine de la Mousse qui fabrique du matériel de camouflage pour la Wehrmacht. Elles se présentent en grand nombre à la visite médicale.
« Il fallut toute l’énergie de certains industriels », admire Stéphane Leuret, pour que l’économie locale ne soit pas paralysée et que l’Allemagne puisse continuer à l’exploiter. Constatant que la moitié des ouvriers ne sont pas venus travailler la veille du jour fatal, la direction de l’usine Mors menace de licencier les ouvriers absents. Le patron de l’usine de la Mousse fait savoir que toute absence sera considérée comme une démission.
La nuit est calme, les bombes ne sèment pas la terreur. Que faut-il penser ? « Les bons Français déplorent et stigmatisent ce geste criminel » affirme Stéphane Leuret. Mais à Champigny, la femme de l’instituteur « déplorant cette odieuse agression, s’est vue répondre par un jeune homme, le fils de la postière, que ça lui était égal de voir frapper les siens et lui-même pourvu que les Anglais triomphent » !
Sources : ADY, 1 W 19 (rapport préfectoral). Michel Henri, Paris Allemand, Saint-Amand, Albin Michel, 1981, 374 p.
Joël Drogland