Résistant d’origine espagnole, membre du Maquis 3 du Service national maquis

 

François Solano est né le 14 novembre 1921 à San Esteban, dans la province d’Aragon, en Espagne. Ses parents sont exploitants agricoles et ont de solides convictions républicaines ; ils animent la première coopérative ouvrière de leur région. Après le coup d’état de Franco en 1936 François Solano, à quinze ans, milite aux côtés de son père dans les milices républicaines ; il y joue le rôle d’agent de liaison. Quand son père entre au ministère de la guerre à Barcelone, François Solano l’y rejoint et prépare en même temps le concours d’entrée à l’école des Beaux-Arts. La défaite des Républicains oblige François Solano et son père à s’exiler le 3 février 1939. Les Solano franchissent la frontière pyrénéenne en camion deux jours plus tard et sont bombardés par les Stukas à la gare de Port-Bou en France. C’est là qu’ils sont arrêtés par la gendarmerie française  puis internés, comme le seront 80 000 autres Espagnols, dans les camps provisoires de Barcarès, Saint-Cyprien et Argelès-sur-mer sur les côtes du Languedoc. Les Solano sont internés à Argelès et participent à la construction des baraquements.

À la déclaration de guerre les autorités françaises sollicitent ces Espagnols pour remplacer les mobilisés. François Solano suit une formation accélérée d’interprète jusqu’à la dissolution des camps trois mois plus tard en novembre 1939. Il a alors juste 18 ans et  décide de s’engager dans la Légion de l’armée française. Il est conduit au camp de Rivesaltes et suit une instruction militaire à la 112 ème compagnie de militaires espagnols rattachée au 175ème bataillon du Génie. Le 24 décembre il part pour Sedan par train de marchandises. Pendant la drôle de guerre il est interprète et travaille sur les chantiers de la ligne Weygand construite pour allonger la ligne Maginot. Son père l’y rejoint et intègre son unité.

Le 10 mai 1940, François Solano est à Sedan où il assiste à l’invasion allemande. Au bout de trois jours de combats sa compagnie, abandonnée par ses chefs, risque l’encerclement. François Solano s’enfuit, ainsi qu’une partie des hommes. Dix jours plus tard François Solano arrive à Auxerre où le 4ème régiment d’infanterie le récupère et l’affecte quelques jours au polissage des obus à l’usine de Cravant. Après avoir bénéficié d’une permission de deux semaines, sa section est envoyée à la Charité-sur-Loire pour établir une dernière ligne de résistance. Mais le flot de réfugiés pousse les hommes à abandonner le camion pour poursuivre à pied. Le 24 juin François Solano, toujours avec son père, est arrêté par les Allemands à Cercy-la-Tour où il perd ses papiers. Les Solano, noyés dans une masse de plusieurs centaines de prisonniers s‘évadent une seconde fois. Ils retrouvent dans leur fuite un autre évadé, un ouvrier agricole, qui les conduit à Saints, en Puisaye. Ils s’installent dans la région, François à Saint-Sauveur et son père à Mézilles. Jusqu’en 1942, ils travaillent comme ouvriers agricoles ou bûcherons. Le maire a fourni des papiers d’identité à François Solano qui s’intègre facilement à la vie associative locale, par ses talents de décorateur et de joueur de football.

Une perquisition allemande à Saint-Sauveur dans l’été 1941 incite François Solano à rejoindre son père qui dirige à Mézilles une équipe de réfugiés espagnols travaillant à une coupe de bois. En 1942 la politique de la Relève les pousse dans la semi-clandestinité d’une cabane en forêt. François Solano fait alors la rencontre de l’instituteur de Mézilles, Deligne, qui vient d’être libéré du camp de Vaudeurs et l’intègre dans un groupe de résistance communiste. En 1943 l’instauration du STO multiplie les réfractaires en Puisaye où le mouvement Résistance met en place des groupes de sédentaires, notamment à Mézilles. François Solano y contacte les responsables locaux et notamment Robert Breuiller. Il diffuse à l’automne 1943 ses premiers tracts à la sortie des séances de cinéma ou dans les boîtes aux lettres. Le mouvement lui fournit ensuite un refuge chez Surugue à Etais-la-Sauvin.

En mars 1944 François Solano reçoit sa réquisition au STO et entre dans la clandestinité. Il contacte le recruteur Paul Guillier qui le met en relation avec André Cagnat. Celui-ci lui demande d’attendre les ordres dans sa planque d’ Etais-la-Sauvin. Au bout d’un mois il est rappelé et participe en avril 1944 à la naissance du Maquis 3 dans le bois des Vrines près de Saint-Sauveur. Ce maquis, dirigé par André Cagnat,  dépend du Service national maquis

Après le déplacement du maquis à La Gaillarderie, un hameau d’Etais-la-Sauvin, François Solano participe à l’expédition du Maquis 3 dans la région de Tonnerre, du 6 au 9 juin ; au retour, il joue un rôle déterminant dans l’engagement de Villiers-la-Grange, où il ralentit l’attaque allemande en détruisant un camion d’un coup de bazooka. Il participe ensuite comme chef de groupe  au combat du Bois blanc le 3 juillet et à celui de Boutissaint le 9 août.

À la Libération il s’engage à Auxerre au 2ème bataillon du 4ème régiment d’infanterie. Mais il ne part pas et est rapidement versé à la Légion. Il est démobilisé et retourne en 1947 à Saint-Sauveur où il est naturalisé français. Il travaille à l’entreprise Cagnat et épouse la fille de son employeur. Il s’enracine dans la région dont il devient une figure locale, animant de nombreuses associations. Il a été pendant une trentaine d’années maire de Moutiers.

 

Sources : Témoignage de François Solano (1997 et 2000). Breuiller Robert, Le parcours de François Solano, Les amis de Moutiers (publication locale), 1996.

 

Frédéric Gand et Claude Delasselle

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